
À la rencontre de David Travers et du laboratoire Janssen
La réalité virtuelle effectue une percée remarquable dans le domaine médical. Les médecins y voient un outil afin d’exercer des personnes diminués physiquement ou souffrant de phobies. Les chirurgiens puisent dans cette technologie afin de se préparer. Enfin le domaine psychiatrique poursuit ses recherches afin de mêler immersion à 360° et thérapie pour traiter ou du moins comprendre les désordres nerveux de certains patients. L’équipe de 360natives a eu la chance d’interviewer le Dr David Travers du CHU de Rennes ainsi que Marianne Stainmesse et Camille Hecamp, respectivement Responsable médicale en neurosciences et Chargée de communication pour le laboratoire Janssen. Ces derniers ont développé un simulateur en réalité virtuelle afin de plonger l’utilisateur dans la peau d’un schizophrène et ainsi comprendre le quotidien de près de 1% de la population française.
360N : Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
D.T : Je suis David Travers, psychiatre au CHU de Rennes. Je suis également enseignant rattaché à la faculté de médecine. J’ai rejoint ce projet après avoir été contacté par le laboratoire Janssen.
M.S/C.H : Nous travaillons pour Janssen, la filiale pharmaceutique du Groupe Johnson & Johnson. Le laboratoire s’efforce de répondre aux besoins médicaux non satisfaits en proposant des thérapies ainsi que des services innovants dans 5 domaines thérapeutiques : l’immunologie, l’onco-hématologie, l’infectiologie et les vaccins, les maladies cardiovasculaires et métaboliques ainsi que les neurosciences. Plus particulièrement dans cette aire thérapeutique, le laboratoire est engagé depuis près de 60 ans dans la prise en charge des pathologies neuropsychiatriques.

Chez Janssen, des solutions thérapeutiques ont été développées pour lutter contre la schizophrénie, la maladie d’Alzheimer, l’épilepsie et la migraine. Le laboratoire s’est fixé pour objectif d’améliorer la qualité de vie des patients avant que leur état ne s’aggrave et de contribuer à développer une meilleure prise en charge globale du patient. Les efforts de recherche et développement en neurosciences sont axés sur le développement de médicaments susceptibles d’agir sur la cognition, l’humeur, la psychose et la douleur chronique.
360N : Comment est née cette volonté d’utiliser la réalité virtuelle dans votre profession ?
D.T : L’initiative d’utiliser la réalité virtuelle est celle de Janssen. J’ai pu découvrir cette technologie en même temps que le projet après avoir été contacté par le laboratoire.

M.S/C.H : Chez Janssen, au-delà des innovations thérapeutiques que l’on met à disposition, il y a une véritable volonté d’accompagner : le patient, l’entourage ainsi que le personnel soignant. Dans ce type de pathologie, l’utilisation de la réalité virtuelle est extrêmement pertinente pour permettre : Aux psychiatres de mieux appréhender les symptômes de leurs patients, à l’entourage de mieux comprendre la pathologie qui touche leur proche, au grand public de découvrir la schizophrénie et les nombreuses idées reçues qui l’entourent.
360N : Comment la réalité virtuelle peut-elle faire évoluer la médecine et notamment la psychiatrie ?
D.T : La réalité virtuelle a un impact avant tout pédagogique. Elle donne des possibilités de simulations comme pour la chirurgie, la réanimation. Ce type d’outil est raccord avec le besoin du psychiatre de pouvoir reproduire les mouvements et les interactions d’un patient schizophrène. La VR permet d’appréhender également les symptômes et de comprendre les difficultés d’interactions sociales rencontrées par les patients.
360N : Pouvez-vous nous décrire le projet que vous avez mené avec le laboratoire Janssen ? Quelles ont été les différentes étapes ?
D.T : Pour ma part, j’étais responsable de l’écriture du scénario qui serait mis en oeuvre dans l’expérience. Il fallait notamment garder seulement les éléments qui seraient pertinent médicalement à faire vivre. Il a fallu se mettre d’accord avec ce qu’il était possible de représenter en VR ou pas. Il a fallu revoir à la baisse certaines envies comme celle de faire bouger le sujet dans la pièce de la maison pour des raisons techniques. Le personnage de l’application est très statique, il fallait donc imaginer quels symptômes devaient apparaître.

J’ai donc opté pour un scénario en trois parties. La première met en scène des hallucinations auditives avec des ombres, la télévision, elle montre les problèmes d’organisation que connaît le patient qui découvre tout au hasard (sa carte de bibliothèque, etc.) La deuxième partie est lorsque vous prenez le bus et que vous sentez le difficile regard des autres. Le schizophrène se sent persécuté, il interprète le regard des autres comme une menace engendrant du stress. Enfin la dernière partie vous emmène dans une bibliothèque, cet épisode traduit les difficultés cognitives du patient. Celui-ci n’arrive pas à prévoir, cela entraîne chez lui une situation de stress et donc des difficultés notamment dans le dialogue avec autrui.
360N : Avec quel matériel de réalité virtuelle avez-vous travaillez (marque, modèle de casque, etc.) ?
M.S/C.H : En 2013, Janssen a sollicité le Docteur David Travers dans le but de mettre au point un simulateur qui permettrait aux psychiatres « d’entrer » dans le quotidien de leurs patients atteints de schizophrénie. La technologie utilisée est la réalité virtuelle et le support est le casque Samsung Gear VR by Oculus. La société qui a réalisé ce simulateur s’appelle Serious Factory. Celle-ci développe et édite des solutions de digital learning.

360N : Vos travaux vont-ils être expérimentés ailleurs en France ou dans le monde (hôpitaux, instituts spécialisés, etc.) ?
M.S/C.H : Actuellement, le simulateur est mis à disposition dans le cadre d’événements médicaux (congrès, colloques), d’événements grand public (Hello Tomorrow 2015, Journée de la Femme Digitale 2016), d’événement presse (SchizoLab 2016). Les demandes pour essayer notre simulateur émanent principalement d’associations souhaitant expérimenter le simulateur auprès de leurs administrateurs ou des participants à leurs événements. Mais aussi des professionnels de santé qui souhaitent faire tester le simulateur à l’ensemble de leur équipe soignante.
Par ailleurs des expériences similaires ont été menées comme à l’institut Philippe Pinel où un avatar en 3D représentant les voix que le patient entend est créé. De même l’hôpital Sainte-Anne à Paris utilise la réalité virtuelle afin de mettre le patient en situation de s’organiser (acheter une baguette de pain, etc.) afin d’améliorer ses facultés cognitives et l’éloigner de son isolement de la vie sociale.
360N : Un dernier mot pour nos lecteurs ?
D.T : Avec ce simulateur de schizophrénie, nous avons réussi une première étape. Cette expérience n’est pas seulement pertinente pour les médecins mais aussi pour la population non médicale.

M.S/C.H : Bien que Janssen développe des traitements médicaux, nous avons également une grande volonté d’accompagnement. Nous avons voulu avec cette expérience mettre à disposition un programme d’information et de sensibilisation pour accompagner le traitement thérapeutique.
Nous tenons à remercier David Travers et le laboratoire Janssen d’avoir accepté de répondre à toutes nos questions. Vous pouvez retrouver plus d’informations sur Janssen ICI